Dans la forêt - [Jean Hegland] ou comment te faire prendre conscience qu'on vit dans un monde de merde
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Edité en janvier 2017, 304 pages, Editions Gallmeister collection Nature Writing |



Ce roman prend la forme d'un journal intime que tient Nell, pour relater sa vie dans la maison familiale avec Eva, sans électricité, avec pour compagnie les souvenirs d'un passé heureux mais révolu et l'espoir d'un futur meilleur mais incertain.
Les parents sont décédés; il faut s'organiser. La civilisation semble s'éteindre; il faut garder ses rêves pour ne pas sombrer dans la folie. Eva a la danse classique, qu'elle pratique assidûment et sans musique, pour intégrer une grande école de danse. Nell a ses lectures et ses études, ainsi que son puissant désir d'intégrer Harvard. Mais, est-ce vraiment utile, de continuer à vivre pour des écoles qui peut-être n'existent plus, peut-être n'existeront jamais plus? Ce qui est certain, c'est que cela donne une raison de se lever la matin, voire de continuer à vivre tout court.
Nell écrit sur son passé, nous parle de ses parents, de leurs morts respectives, de sa tristesse mais aussi du soulagement d'être encore vivante, elle. Elle écrit sur son amour pour Eli, le jeune garçon mystérieux qu'elle croisait en ville le samedi soir, lorsqu'il y avait encore de l'essence pour se déplacer.
Nell écrit évidemment sur la vie qui continue, qui doit continuer, mais différemment. Tout doit être mûrement réfléchi, il en va de la survie des deux sœurs. La nourriture, le potager, les intempéries, l'eau, le bois pour le feu, les dangers de la forêt... Elle prend les choses en main. Sa soeur aînée semble plus centrée sur elle-même et la danse, moins rationnelle et raisonnable, moins consciente des vies qui sont en jeux et des sacrifices que la survie impose.
Je ne vous évoquerai rien des péripéties que les deux frangines traverseront, pour vous laisser la surprise, bien sûr. Mais elles vont endurer beaucoup de choses, évoluer, s'éloigner parfois mais se réconcilie... et il arrive finalement ce qui doit arriver, et c'est parfait comme ça. (comment je vous mets le suspense là).
A chacune des pages, je me disais: "Et si c'était moi?" Affronter un ours, renouveler un garde-manger, faire tourner un potager, se servir d'une arme, soigner la fièvre...
Ce livre nous ramène à notre condition d'animal, et pas forcément social, comme on le dit souvent. Ce livre nous rappelle avec humilité et réalisme que l'homme n'a connu l'électricité que 130 ans. Soit RIEN à l'échelle de son passage sur Terre. Retour (nécessaire?) aux sources, donc. Les deux sœurs sont-elle au final aussi malheureuses que ça? Tout n'est qu'adaptation.
Le final est pour moi parfait. Je n'aurai rien souhaité d'autre. Une jolie boucle est bouclée. Pessimiste ou optimiste, chacun verra ce qu'il veut voir. Ce livre est un ode à la nature et à la fratrie. Il nous en met
plein la tête (la consommation, l'abrutissement, le gaspillage,
l'irrespect de la nature...) sans jamais se montrer moralisateur.


Mes p'tites étoiles:

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