Dans la forêt - [Jean Hegland] ou comment te faire prendre conscience qu'on vit dans un monde de merde

Edité en janvier 2017, 304 pages, Editions Gallmeister collection Nature Writing

J'ai toujours beaucoup apprécié les romans de "survie", les romans en lien fort avec la nature. J'avais adoré le thriller Vertige de Thilliez, ou encore le trop méconnu "Soudain, seuls" de Isabelle Autissier. J'ai Dans les forêts de Sibérie au chaud dans ma PAL depuis un (trop) long moment...
Dans la forêt me faisait de l’œil, alors je l'ai commandé au père Noël, qui a gentiment exaucé mon souhait. Il est fort ce père noël (merci maman). Verdict.

On ne sait pas trop quand, on ne sait pas trop pourquoi, mais la civilisation n'a plus accès à l'électricité. Il n'y a plus d'essence non plus. La civilisation semble tourner au ralenti. Tout n'est que rumeur et pénurie. Chacun pour soi. Dans ce contexte quasi apocalyptique, Nell et Eva, 17 et 18 ans, vivent avec leur père adoré, au fin fond de la forêt, à l'abri du monde. Malheureusement, le paternel meurt (aussi bêtement qu'atrocement) et les deux frangines doivent désormais affronter ce monde et ses nouvelles problématiques seules.

Qu'on se le dise tout de suite, comme ça ce sera fait: ce livre est un fucking coup de coeur de la mort qui tue. Je me range directement aux côtés des critiques fort élogieuses déjà parcourues sur le Net. Le seul bémol tient à la présentation du format broché. Malgré la couverture et la couleur magnifique, les pages sont trop denses, trop pleines. Il aurait fallu écrire une chouille plus gros et/ou agrandir l'interligne. Dommage. Mais, je chipote un peu quand même.

Ce roman prend la forme d'un journal intime que tient Nell, pour relater sa vie dans la maison familiale avec Eva, sans électricité, avec pour compagnie les souvenirs d'un passé heureux mais révolu et l'espoir d'un futur meilleur mais incertain.
Les parents sont décédés; il faut s'organiser. La civilisation semble s'éteindre; il faut garder ses rêves pour ne pas sombrer dans la folie. Eva a la danse classique, qu'elle pratique assidûment et sans musique, pour intégrer une grande école de danse. Nell a ses lectures et ses études, ainsi que son puissant désir d'intégrer Harvard. Mais, est-ce vraiment utile, de continuer à vivre pour des écoles qui peut-être n'existent plus, peut-être n'existeront jamais plus? Ce qui est certain, c'est que cela donne une raison de se lever la matin, voire de continuer à vivre tout court.

Nell écrit sur son passé, nous parle de ses parents, de leurs morts respectives, de sa tristesse mais aussi du soulagement d'être encore vivante, elle. Elle écrit sur son amour pour Eli, le jeune garçon mystérieux qu'elle croisait en ville le samedi soir, lorsqu'il y avait encore de l'essence pour se déplacer.
Nell écrit évidemment sur la vie qui continue, qui doit continuer, mais différemment. Tout doit être mûrement réfléchi, il en va de la survie des deux sœurs. La nourriture, le potager, les intempéries, l'eau, le bois pour le feu, les dangers de la forêt... Elle prend les choses en main. Sa soeur aînée semble plus centrée sur elle-même et la danse, moins rationnelle et raisonnable, moins consciente des vies qui sont en jeux et des sacrifices que la survie impose.

Je ne vous évoquerai rien des péripéties que les deux frangines traverseront, pour vous laisser la surprise, bien sûr. Mais elles vont endurer beaucoup de choses, évoluer, s'éloigner parfois mais se réconcilie... et il arrive finalement ce qui doit arriver, et c'est parfait comme ça. (comment je vous mets le suspense là).

A chacune des pages, je me disais: "Et si c'était moi?" Affronter un ours, renouveler un garde-manger, faire tourner un potager, se servir d'une arme, soigner la fièvre... 
Ce livre nous ramène à notre condition d'animal, et pas forcément social, comme on le dit souvent. Ce livre nous rappelle avec humilité et réalisme que l'homme n'a connu l'électricité que 130 ans. Soit RIEN à l'échelle de son passage sur Terre. Retour (nécessaire?) aux sources, donc. Les deux sœurs sont-elle au final aussi malheureuses que ça? Tout n'est qu'adaptation.

Le final est pour moi parfait. Je n'aurai rien souhaité d'autre. Une jolie boucle est bouclée. Pessimiste ou optimiste, chacun verra ce qu'il veut voir. Ce livre est un ode à la nature et à la fratrie. Il nous en met plein la tête (la consommation, l'abrutissement, le gaspillage, l'irrespect de la nature...) sans jamais se montrer moralisateur.

A lire de toute urgence, à débattre à table, à évoquer à vos enfants, à mettre aux programmes des collèges et lycées... Que dire, ce livre est aussi génial que nécessaire, aussi joli à lire dans le fond que dans la forme... Bref, un véritable chef d’œuvre (oui oui), à mon humble avis.  

Mes p'tites étoiles: 

Commentaires

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...