L'Amie prodigieuse [Elena FERRANTE] ou comment galérer à terminer un bouquin unaninement acclamé

 

Je me suis dit "Aller, ma vieille, sors de tes sentiers littéraires battus et rebattus. Explore autre chose que ce que tu lis depuis 15 piges". 
Alors nous y voici. 
L'amie prodigieuse semble avoir fait un carton dans le monde littéraire (mais qui est-elle? QUI est Elena Ferrante? etc. etc.). Ohhh trouvaille chez Boulinier, ton bouquiniste adoré. 2,50€ en moins et hop un livre de plus! Je le ressors quelques semaines plus tard, pleine de bonnes intentions et pas assez d'appréhension.

MAIS C'EST MOI QUI AIE UN PROBLÈME OU QUOI? J'ai du mal avec les classiques (et j'en ai parlé longuement ici) et récemment j'ai eu du mal à terminer les gros succès "Réparer les vivants" (et j'en ai parlé ) ou à apprécier à sa juste valeur "Les fiancés de l'hiver" (celui-là c'est ici). 
Et... rebelote! J'entame, pleine de bonne volonté et sûre de moi la super saga (et attendez, j'ai acheté les tomes 2 et 3 siouplait!) et pffff.... mais j'ai tellement, tellement galéré à terminer le bouquin. 
J'ai lu un Tatiana de Rosnay entre les chapitres 20 et 21 (oooh c'est ) et j'ai entamé un Nicholas Sparks (shame on me, mais c'est tellement bon) trois ou quatre chapitres plus tard. A l'image d'une ado démotivée qui doit faire une dissert' mais qui digresse sur les réseaux sociaux plutôt que de bosser... 
Moralité: Arrêter (oui, ARRÊTER) de se fier à la surmédiatisation de certaines œuvres, cela cache trop souvent ce que j'appelle les "livres-mouais". 

Aller, je vais essayer de me faire rire moi-même en écrivant cette chronique.


Dans un Naples en plein boom économique des années 1950, Elena et Lila sont les meilleures amies du monde. On suit, dans ce premier tome, leur enfance puis leur adolescence. Premiers émois amoureux, scolarité, passage à adolescence difficile, vacances, bêtises, conflits parentaux... bref, tout y passe! Nous sommes dans le tome 1 d'une saga: enfance et adolescence.


Bon, j'ai été un peu dure d'entrée de jeu. En remettant mes idées en place pour rédiger cette chronique, je réalise que j'ai quand même dévoré la première partie du bouquin sans demander mon reste.

Une amitié malsaine captivante à décrypter

L'auteure a pris un parti intéressant: la narratrice est Elena et elle nous parle de sa vie en général et de son amitié avec Lila en particulier, voire de Lila tout court. Cela ne procure pas le même effet qu'une simple narration à la première personne du singulier. Ici, Elena cherche à décortiquer, à se mettre à la place, à comprendre les moindres dires, faits et gestes de sa grande copine, qu'elle a en adoration. On ne saura jamais vraiment qui est Lila, personnage haut en couleur (en tout cas dans ce premier tome) Tout ce qu'on apprend d'elle est passé par le prisme de Elena. Cela ne fait que mettre en exergue l'admiration, la glorification de cette "amie prodigieuse", par Elena, tellement influençable, tellement soucieuse de se faire aimer par elle, prête à la suivre partout pour ne pas la perdre ou la décevoir. 
C'était comme si, par quelque vilain tour de magie, la joie ou la douleur de l'une impliquait la douleur ou la joie de l'autre.
C'est ce que j'ai préféré: les moments où Elena et Lila se montrent presque cruelles l'une envers l'autre, jouant des coudes pour être la meilleure, la plus aimée, la plus remarquée. C'est à celle qui aura la meilleure note, le plus joli visage, ses règles en premier... J'ai trouvé ça remarquablement bien décrit; tout simplement parce que... je m'y voyais (enfin... quand j'avais 13 piges hein, j'ai mûri depuis)

L'amitié entre Lila et Elena, comme beaucoup d'amitiés à cet âge, est donc parfois teintée d'hypocrisie, de jalousie, de médisance. Lila semble profiter de ce statut d'amie prodigieuse, justement, n'hésitant pas à se montrer très égoïste, très sûre d'elle, prétentieuse, à s'éloigner puis à revenir, à jouer avec les sentiments des autres. La grande question est: l'affection est-elle réellement réciproque? Quelle est la part d'objectivité dans les yeux de Elena, tellement subjuguée et influençable? 
Je ne suis pas nostalgique de notre enfance : elle était pleine de violence. C’était la vie, un point c’est tout : et nous grandissions avec l'obligation de la rendre difficile aux autres avant que les autres ne nous la rendent difficile. 

L'adolescence, âge ingrat quoi qu'il en soit

Donc, même si toute l'action se déroule à Naples et dans les années 50, on réalise finalement que les préoccupations adolescentes sont strictement les mêmes que 60 ans plus tard. On veut plaire à tout le monde: ses amis, ses parents, ses profs et au sexe opposé, bien sûr. La seule différence, c'est qu'on ne réfléchit pas autant à son avenir, puisqu'en général, il est tout tracé (dans le livre, Lila suit la voie de sa famille et va travailler dans la cordonnerie, malgré ses excellents résultats scolaires).

J'ai replongé 15, 20 ans en arrière (han mais je suis vieille en fait), me souvenant des mes terribles années collège où j'étais... une petite garce, du côté des nanas populaires, en compétition pour draguer Pierre, Paul ou Jacques, pour avoir les dernières Nike à la mode ou pour être la première à me maquiller en cinquième! J'ai été tellement fière d'avoir mes règles en premier! J'ai été tellement fière d'avoir les plus gros nénés du groupe! Et oh la la, j'ai été tellement dégoutée quand la jolie Clara a embrassé un mec pour la première fois AVANT moi. 
A cet âge, on s'aime comme des chiens et des chats. On se déteste et on s'adore. On se jauge et on se juge. Quel âge ingrat et difficile... 

Alors des histoires de "mecs", il y en a plein. Mais comme c'est très réaliste, il ne s'agit pas de jolies histoires toutes mignonnes, non. Ce ne sont que des ratages ou des histoires platoniques. Cela me rappelle le collège, ça aussi, tiens.
- C'est pourtant bien, murmurai-je, de discuter avec les autres.
- Oui, mais seulement si tu parles à quelqu'un capable de te répondre. 

Trop de personnages pour trop peu de rythme

Venons-en au moment où j'ai commencé à sérieusement m'ennuyer. La vie d'une enfant puis d'une ado, c'est tout de même assez routinier. En dépit de leurs frasques amoureuses, amicales et scolaires, en dépit des potins du quartier, de leurs bêtises, bah... il ne se passe pas grand grand chose, sur ces quelques années. Elena Ferrante nous dépeint le Naples d'après-guerre, dans un quartier misérable, et c'est très intéressant. Mais cela n'a pas suffit à me faire oublier l'absence de rythme dans le récit. Que c'était longuet par moment.... (Aller hop, on prend un autre bouquin!)
En outre, il y a peu de dialogues, donc le récit n'est pas super dynamique. C'est forcément souvent "niais" et immature puisque racontée par une gamine de ses 6 à 16 ans.
Il y a bien entendu des jolis instants, sensibles ou drôles. Il y a des personnages attachants. Avec des histoires personnelles incroyables. Mais... il y en a trop, beaucoup trop!

Oh que oui... Il y a moult personnages (ils sont énumérés en début de livre, comme au théâtre, c'est pas toujours bon signe pour ma part!) et ça c'est pareil, ça me gêne. Tout simplement parce que... je m'y perds. Surtout avec des prénoms italiens (oui je peux être très bête parfois). J'aurai préféré voir moins de personnages (parce qu'il y a toutes les familles du quartier, familles nombreuses qui plus est, qui sont citées) mais avec plus de descriptions et d'interactions. Que ce soit moins superficiel. Car Stephano, Marcello, Pasquale, Lidia, Enzo, Nino, Melina, Carmela, Rino (comptez quasiment le triple)... aaaaah au secours! Mémé Lauriane elle s'y perd. Elle sait plus qui est le frère du cousin de la mère de machin de la page 24 là. Ça me casse le charme à un point !
Si tu fais une pause de 3-4 jours dans ton livre, t'es FI-CHU tu m'entends? FI-CHU !

Un personnage prodigieux

La force du livre, bien entendu, c'est cette amie prodigieuse. Cette Lila, au caractère bien trempé, indépendante, courageuse, marginale, extrêmement intelligente, qui ne fait rien comme ou en même temps que tout le monde. Elle est intrigante, mystérieuse, parfois odieuse. C'est un très beau personnage, que l'on ne connaît, encore une fois qu'au travers du regard admirateur de son amie Elena. 
Celle-ci est pour le coup bien moins intéressante, forcément. Plus timorée, plus naïve, plus "nunuche adolescente", si vous me permettez l'expression. 

Au fond, cette amie prodigieuse, je l'ai déjà croisée par le passé. Et plusieurs fois. Et je suis sûre que vous aussi. J'ai déjà vécu ce genre d'amitié duelle où l'une prend trop place sur l'autre. J'ai déjà admiré (à tort et à raison) une amie, parce qu'elle parlait bien, lisait trop, était jolie, s'habillait bien, avait des idées géniales sur tout... Et puis j'ai mûri et réalisé que ma part d'interprétation et d'imagination était très grande, finalement. C'était une personne on ne peut plus normale, qui ne valait pas forcément si bien que ça. En tout cas pas mieux que moi. C'est quand on est faible, donc influençable, que l'on se laisse prendre à ce petit jeu dangereux.
Seule Lila me manquait, Lila qui pourtant ne répondait plus à mes lettres. J’avais peur qu’il ne lui arrive quelque chose, en bien ou en mal, sans que je sois là. C’était une vieille crainte, une crainte qui ne m’était jamais passée : la peur qu’en ratant des fragments de sa vie, la mienne ne perde en intensité et en importance.
Peut-être que les tomes suivants nous feront découvrir qui est réellement Lila? Lorsque Elena aura acquis maturité et objectivité, qu'elle aura pris confiance en elle, elle pourra nous parler de la vraie Lila. Ou peut-être que la Lila décrite est la bonne, puisque racontée par la Elena adulte... Allez savoir. 
En attendant, je vais sûrement faire une (longue) pause avant de retrouver ces héroïnes, car j'ai eu énormément de difficultés à terminer cet ouvrage (mais j'ai un p'tit peu envie, quand même, de savoir comment un tel personnage peut évoluer...).

Un roman en demi-teinte... Avec certes un personnage prodigieux, complexe et fascinant à découvrir, mais beaucoup, beaucoup de longueurs. Un problème de rythme qui empêche de se laisser captiver. C'est dommage. Ceci dit les amateurs de voyage et d'époques révolues seront servis.


Mes p'tites étoiles:


Mais, bien sûr, tout cela n'est que mon humble avis...



Commentaires

  1. Haha ! Moi aussi il m'arrive de ne pas du tout aimer un livre à la mode (ça a été le cas par exemple de "En attendant Bojangles"). Moi, j'ai adoré ce roman que j'ai trouvé très bien écrit. C'est vrai qu'il y a des longueurs, mais, comme les descriptions chez Zola ou Balzac, j'ai trouvé que ça permettait au lecteur de se mettre bien dans l'ambiance et ça ne m'a donc pas gênée. J'ai été très intéressée par la complexité des personnages et j'ai trouvé le tome suivant peut-être meilleur. Mais bon, on a le droit d'être à contre-courant. J'espère que ta prochaine lecture te plaira davantage ;)

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    1. Et c'est bien pour ça que j'ai jamais ouvert un Zola... La complexité des personnages, en revanche, m'a conquise. Cette amitié à deux vitesses, assez malsaine par moment, c'était bien décrit et convainquant! Là, je suis dans un polar, histoire de lire un bon page turner après l'Amie Prodigieuse!
      Tchuss!

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  2. C'est vrai qu'on a finalement un avis assez similaire, dis donc ! En fait, je me rends compte que moi, je ne me suis pas spécialement reconnue. J'étais l'intello, plutôt, et je n'avais pas UNE meilleure amie, mais 2-3 bonnes copines. Et puis, je n'ai pas des masses kiffé le collège (c'est allé mieux au lycée), du coup, ça a nui à mes capacités d'identification, je pense.
    Et je plussoie carrément pour les longueurs. Ce n'étaient pas tant les descriptions qui m'ont lassée, mais le fait qu'il ne se passe strictement rien. L'histoire n'avance pas,on ne comprend où l'autrice veut en venir, bref, c'est loooong (mais comme j'ai zéro scrupules à lire en diagonale, ça allait, on va dire).
    (et petit apparté : merci de ton commentaire sur mon blog, ça m'a permis de découvrir le tien, et j'aime beaucoup)

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    1. J'ai beaucoup lu en diagonale oui... et comme toi, j'assume pleinement ! Et ouais, il se passe pas grand chose dans ce livre. Ou alors il se passe un truc et on en tartine 4 pages (pour fabriquer une chaussure, MERCI).
      Han lala, et dire que ce livre a été un coup de coeur pour plein de monde, on passe pour qui nous? ^^

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  3. Bonjour,
    Je suis d'accord avec toi sur la majorité des points mais avec un ressenti différent. Je ne me souviens pas d'avoir été comme cela durant mes années collège ; effectivement, du coup, je trouvais leurs actions et réactions puériles... Mais chacun son vécu !
    Comme toi, j'ai été perdue dans les noms et les liens familiaux (heureusement qu'il y a une liste au début du roman... quoiqu'elle ne m'a été d'une grande utilité quelques fois), mais en même temps c'est la chronique d'une vie. En y repensant, c'est découpé comme des tranches de vie qui ont une unité puisque raconté par l'héroïne mais comme nous, elle rencontre des personnes qu'elle ne verra plus ou beaucoup plus tard.
    Concernant la longueur, certains passages étaient un peu long effectivement et ça m'a fait l'effet d'un classique... oui, je suis moi-aussi allergique aux classiques. Mais pour le coup, je suis vraiment friande des cadres "historiques" donc même si je me suis ennuyée parfois, c'est passé assez facilement.
    A bientôt !

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    1. Je souris parce que mon article me fait passer pour la pire des garces au collège! Les amitiés malsaines c'était le lycée et la fac, mais on s'en rend compte que des années plus tard... Et puis j'aurai pas osé faire le dixième de ce que faisaient Lila et Elena ^^
      Et puis les cadres historiques, à part les Brontë et les Austen, j'ai toujours eu du mal, chépapourquoi. Qui mûrira verra !
      A bientôt!

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  4. Wahou ta chronique est super complète c'est très intéressant ! Personnellement j'ai ADORE ce livre, un peu comme une révélation. J'ai le deuxième tome qui m'attend dans ma PAL et j'ai hâte ahah

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    1. Bah je t'envie presque ^^ Moi je vais devoir me forcer un peu pour remettre le nez dedans... car comme je l'ai écrit en conclusion, la fin du tome 1 est quand même magistrale et pousse à lire la suite!
      Au plaisir au travers de nouvelles chroniques, tchuss!

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