Grossir le ciel - [Franck BOUYSSE] ou "la littérature est dans le pré" ou "le thriller qui n'en était pas un"


Aller, zou, encore une petite lecture facile et rapide, pour aérer mon esprit qui peine à achever la lecture de Raison et Sentiments... Au hasard, Grossir le ciel, conseillé il y a plusieurs mois en vide-grenier par une jeune femme de mon âge, qui me l'a vendu 1 euro. Verdict.

Gus est un paysan solitaire, bourru et forcené de travail. Il n'a pas eu une vie facile et aujourd'hui, elle tourne autour de son fidèle chien Mars et de son voisin Abel, un vieux paysan qui mène la même vie que lui quelques centaines de mètres plus loin. La routine, l'entretien de la ferme et quelques verres pris ensemble de temps en temps, rien de plus et rien de moins. Mais un jour, Gus entend des coups de feu chez Abel. Quelque chose ne va pas. Quelque chose a changé. Des visites étranges se succèdent. Mais que se passe-t-il?

Ce roman est une claque. 
Le seul trésor qu'ils côtoyaient chaque jour était en même temps l'expression de leur calvaire, cette nature majestueuse et sournoise, pareille à une femme fatale impossible à oublier.
Je l'ai terminé en deux jours et il a largement empiété sur mon sommeil. 
Je ne connaissais pas Franck Bouysse mais croyez-moi, cet auteur gagne à être connu. Bon sang de bonsoir, que STYLE ! Quelle écriture rude et poétique à la fois! Le choix des mots est toujours violent et juste, les métaphores chargées de sens, tout est dépeint avec noirceur et brutalité. 
 Il y avait aussi des couleurs qui disaient les saisons, des animaux, et puis des humains, qui tour à tour espéraient et désespéraient, comme des enfants, battant le fer de leurs rêves, avec la même révolte enchâssée dans le cœur, les même luttes à mener, qui font les victoires éphémères et les défaites éternelles.
On découvre la vie (très) rude et (très) banale d'un paysan, qui n'est pas si simplet que ça, pas si "à la masse", comme on aurait tendance à le penser au premier abord Il est brut de décoffrage et n'a pas sa langue dans sa poche... Ses propos, que ce soit avec Abel, un banquier ou un "suceur de Bible" sont tout le temps très réfléchis, lucides et cyniques. C'est un personnage extrêmement attachant, qu'on en vient à adorer pour sa répartie parfaite et ses idées bien arrêtées sur le monde. Il est bourru et cinglant, mais on lui découvre une sensibilité à toute épreuve au fil des pages... 
Grossir le Ciel s'avère être un roman noir, qui dépeint avec justesse le monde violent de la France rurale, ses difficultés économiques, son train de vie éreintant, la solitude de ses hommes et leur courage chaque jour pour gagner leur croûte. On suit leur quotidien presque heure par heure parfois, et ce n'est jamais emmerdant ni redondant. On n'a pas du tout envie d'y mettre les pieds, mais on a clairement envie de (sa)voir ce que ça fait, d'être paysan, qui plus est en hiver!
La tristesse tomba sur lui sans prévenir. Il était abattu comme quelqu'un qui réalise avoir perdu quelque chose avec quoi il vivait sans y prêter attention. Quelque chose qui devient plus important quand on l'a perdu que quand on l'a sous le nez tous les jours, car on finit par ne plus y faire attention.
En revanche et paradoxalement, l'aspect thriller ne m'a pas plus emballée que ça, étrangement. C'est le seul petit bémol à cette première partie de chronique dithyrambique. Le suspense est très présent, bien sûr. L'auteur nous emmène où il veut et on tourne les pages avec avidité. Mais j'ai comme l'impression que l'aspect thriller était plus un prétexte qu'autre chose pour nous parler de Gus et Abel. Pour moi, il s'agit presque plus d'un roman contemporain que d'un roman à suspense. Le final n'est pas bouleversifiant, l'un des rebondissements était à mon sens trop prévisible. Le reste ne casse pas trois pattes à un canard. Le final est plus porteur d'un message que d'une réelle volonté de faire frémir ou bondir le lecteur. Malheureusement, je ne peux rien dire sans risquer de vous dévoiler la fin. Mais, limite, on s'en contrefiche. Nous, on veut du GUS.
Les morts, on a l'habitude de leur pardonner bien des choses, même des choses qu'on ne devrait pas.
Ce qui compte plus que tout, c'est la vie puis le destin de ce personage, bouleversant de par son passé (l'auteur ne l'a pas épargné) puis sa vie quotidienne (là non plus, pas du tout épargné) et enfin la façon dont il finit (pas épargné non pluuuus). 

Qui l'eut cru? J'ai réussi à m'identifier à un paysan solitaire, bourru, alcoolo et fumeur de gitanes! Peut-être que je l'ai été dans une autre vie? 
On te dira qu'il faut prendre la vie comme elle vient… conneries… la vie, c'est elle qui te prend, sans te laisser le choix, et par les couilles, encore.
Ne comptez pas sur l'aspect thriller un peu trop survendu par l'éditeur. Comptez sur un roman d'une noirceur implacable, qui vous emmènera le temps de 200 petites pages dans le monde méconnu des agriculteurs. Un roman économique, psychologique et sociologique, qui je pense ne peut pas laisser indifférent lorsqu'on s'intéresse un peu à notre actualité. 

Mes p'tites étoiles:


Mais, tout cela n'est que mon humble avis.

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