Blablabla [03] - Des sooooooldes sur les livres, un fantasme irréalisable?


Il y a quelques jours, l'incroyable machine à consommer qu'est le Black Friday touchait à sa fin. Paraît que le chiffre du célèbre site de vente en ligne au nom de guerrière mono-sein à fait un chiffre d'affaire record de 2 milliards d'euros. Nan mais WTF?

Comme chaque année, j'ai fait quelques affaires en DVD (mais j'ai malgré tout été trèèès raisonnable). Et puis, m'est venue une question essentielle: POURQUOI, MAIS POURQUOI les livres, eux, ne sont JAMAIS soldés? 

De cette question existentielle capitale a surgi l'idée de ce blablabla: et si on soldait les livres?

Vivons notre fantasme le temps de quelques lignes: 50 nuances de livres...

Je rêve d'entrer dans un grande librairie et de voir des -50% sur des pans entiers de rayonnages... Allez mesdames et messiers, on rajoute 10% par article en plus!
Je rêve de voir des liquidations avant fermeture ou inventaire. Ou des "5 livres pour 30€" à la manière des DVD. 
Mais mon dieu que ce rêve est grand, que ce rêve est beau! Je dézinguerai 2/3 de mon salaire de prof en quelques heures... Tant pis pour le crédit de la maisoooon, j'envoie tout valser! 

Ce serait juste jouissif, que dis-je, orgasmique, de ne plus avoir à attendre la sortie en poche pour les bourses les plus modestes ou carrément d'avoir à dégoter le bouquin d'occasion (pour les bourses vraiment, vraiment pauvres). 
Se saisir de 3, 4... 10 livres sans se poser la douloureuse question finale, avant de passer en caisse:  "Euhhh je me suis un peu trop enflammé là... je repose le(s)quel(s)?". Ne plus tergiverser 100 ans. Ne plus trépigner, ne plus pousser des "aaaaahhhh" et des "gnnnnaaaa" d'incertitude. Ne plus faire marche-arrière. Ne plus changer d'avis parce que voilà quoi, le budget est aussi serré que mes chaussettes sur mes mollets. Soupir...

Reposer un livre qu'on a tenu plus de 30 secondes en main, ça n'existerait plus.

On se réveille bande de foufous! C'était un rêve hein...

Si on réfléchit bien, les soldes sur les livres, ce serait tout simplement tuer les petits libraires indépendants

En effet, les grandes papeteries type Fnac ou Cultura, achetant tout ça en gros, pourraient, elles, se permettre de baisser les prix pour vendre plus, au détriment des petits libraires qui seraient dans l'incapacité de le faire (enfin ceux qui veulent gagner un peu d'argent à la fin du mois). 

Et quel lecteur digne de ce nom voudrait couler le petit libraire super sympa à deux pâtés de maison de chez lui? Celui qui commence à vous connaître, vous conseille avec goût, vous fait découvrir des petites pépites ?

Cela ne se peut !

Mais, en fait, c'est quoi l'explication légale? (un peu de sérieux tout de même!)

En 1981, donc avant la naissance de beaucoup de mes lecteurs j'imagine, Jack Lang, alors ministre de la culture, a mis en place une loi instaurant le prix unique du livre. Ce texte avait pour but de limiter la concurrence sur les prix de vente (ce que j'ai expliqué plus haut pour les fayots qui suivent) et de ne pas considérer le sacro saint "objet livre" comme un bien marchand banal. Donc, interdit de faire des gros bénéfs' dessus, comme lors d'un Black Friday.
Avant cette loi, l'éditeur apposait la mention "Prix conseillé" et les revendeurs appliquaient leurs tarifs.
Désormais, c'est bien les maisons d'édition qui fixent les prix. C'est pour ça que ces derniers sont carrément imprimés sur les quatrièmes de couverture (et que ça te soule à chaque fois que tu fais un cadeau).

Les livres neufs sont les seuls concernés. La seule remise autorisée par les revendeurs est le fameux 5% qui fait passer ton livre de 20,90€ à 19,85(moi je dis: WHAOU!!!). 
Les livres peuvent être soldés s'ils sont sortis il y a deux ans et s'ils sont dans les stocks depuis plus de 6 mois. En gros, si le libraire gère bien son magasin (et il a intérêt à le faire), il dispose au final de très peu de livres éligibles aux promotions tant rêvées (et puis il faut penser que les p'tites enseignes n'ont pas des locaux gigantesques pour stocker tout ça).
Donc quand vient le moment tant attendu des promotions, on trouve dans des bacs poussiéreux quelques pauvres livres abîmés encore en vente, des quizz bidons sur les séries TV ou des livres sur la réalisation de coktails. La panacée.

Du coup, on s'vénère ou pas?

Si on regarde un peu la machinerie économique, les maisons d'édition s'en mettent plein les fouilles. Pardon mais j'ai beau adorer, vénérer la littérature, débourser 23 € pour un bouquin (que je ne suis pas certaine d'aimer), ça me fait mal au cucul. Alors soit j'attends mon 'versaire, soit j'attends la Noël, soit j'attends la sortie en poche, soit j'attends de le trouver (ô miracle) d'occasion (et quand se produit, surtout aux vide-greniers de printemps, après les lectures d'hiver, je SURKIFFE la life). 

Cela m'a fait doucement sourire lorsque j'ai effectué mes recherches pour rédiger ce billet: la loi sur le prix unique a été écrite pour protéger la lecture, notamment en protégeant la filière des maisons d'édition. Bon, les p'tites maisons, c'est tout à fait compréhensible et même louable, mais... les monstres Hachette et France Loisirs ne se portent pas trop mal quand même, nan? (cf le film culte "Vous avez un message"!)



Et puis, les petits libraires, vous pensez vraiment qu'ils vendront beaucoup d'exemplaires soldés d'un livre deux ans après sa sortie, une fois que l'engouement de la nouveauté est passé chez les lecteurs? Donc, on se dépêche de vendre vite, on recommande juste ce qu'il faut (hop, pas plus que l'bord!) et on fait en sorte de ne pas avoir de livres à solder plus tard.

Et puis flûte, l'accès à la culture pour tous? Je ne comprends qu'à moitié la logique de cette loi, puisqu'en fixant des prix (aussi élevés), on écarte quand même beaucoup de gens du milieu de la lecture. On protège les acteurs de l'édition mais pas les lecteurs.
(Bon, ok, débourser 8,70€ pour un poche à la place d'aller au Mcdo, c'est pas hyper cher, faut pas pousser mémé. Mais combien de temps a-t-il fallu attendre avant l'édition au format poche?)

Il y a bien les nuits du patrimoine pour les musées, temples de la culture par excellence, pourquoi pas quelques journées de bouquins soldés? On solde tout: musique, DVD, hi-fi, électroménager, voyage, jouets, meubles, bijoux.... pourquoi pas des livres, sacré nom d'une clé à molette rouillée? Si c'est le "bien culturel" par excellence, pourquoi ne pas faciliter sa diffusion pour quelques jours? 
En témoigne le nombre de gens qui déambulent dans les rayonnages poussiéreux de Emmaüs ou des bouquinistes. En témoigne l'attrait des gens pour la vente en ligne ou les e-books. Si on se rabat en grand nombre sur  sur ces solutions, c'est bien parce qu'il y a quelque chose qui cloche! 

Du coup, ça m'vénère un peu quand même.
Mais ce n'est que mon humble avis.

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